Porsche et l’Indycar : la symphonie inachevée

La présence de Porsche à Indianapolis s’est faite en deux temps : une première tentative en 1980, avant une campagne plus longue à la fin des années quatre-vingt.

1980 : UNE PREMIERE TENTATIVE AVORTEE

Alors que Porsche réfléchissait depuis quelques années déjà à un retour en monoplace, la nouvelle tombait en 1979 : la marque fera ses débuts à Indianapolis en 1980 en partenariat avec l’équipe Interscope.

Une voiture est construite et c’est le pilote hawaïen Danny Ongais qui lui fait faire ses premiers tours de roue. La rumeur veut que ceux-ci soient spectaculaires, au point que les futurs adversaires de Porsche, au premier rang desquels on retrouve A.-J. Foyt, commencent à se plaindre et à faire pression sur l’USAC.

L’organisateur des 500 Miles va très vite céder et imposer une restriction de la bride du moteur allemand – lequel était issu de la Porsche 935.

A moins d’un mois d’Indianapolis, Porsche choisit tout simplement de retirer son engagement, et on ne verra jamais la monoplace blanche en compétition.

Il faudra donc attendre 1988 pour voir une monoplace à moteur Porsche prendre pour la première fois le départ de l’Indy 500.

1987 : LES VRAIS DEBUTS DE PORSCHE


© Mathieu Sebban

En 1987, alors que Porsche truste les succès en IMSA – notamment avec les superbes 956 et 962 Löwenbrau –, Norbert Singer et Al Holbert, le talentueux pilote américain, multiple champion IMSA et triple vainqueur des 24 Heures du Mans, alors directeur de Porsche Motorsport en Amérique du Nord, lancent un nouveau projet Indycar.

Porsche, qui va quitter la F1 et McLaren à l’issue de la saison 1987, se cherche un nouveau challenge, et présente ainsi la 2708, monoplace 100% maison. Les premiers essais sont menés par le « pilote-ingénieur » Roland Kussmaul, puis par Mario Andretti.

Le vétéran Al Unser est engagé pour lui faire faire ses débuts en course. La première épreuve a lieu à Laguna Seca le 11 octobre 1987. Unser qualifie la 2708 en 21ème position (sur 24 engagés) et abandonne après seulement sept tours.

Le 1er novembre, Porsche se présente à Miami pour la finale du championnat CART. Al Unser, échaudé par sa course de Laguna Seca s’est désisté et c’est Al Holbert qui prend le relais. Malgré tous ses efforts, le pilote-patron ne parvient pas à qualifier sa rétive monoplace.

Porsche prend donc rapidement la décision de changer son fusil d’épaule pour 1988.

La 2708 prend ainsi le chemin du musée. Vous pouvez d’ailleurs l’admirer actuellement au Musée de l’Automobile de Mulhouse.

1988 – 1989 : LES BEAUX PROGRES DE PORSCHE


© Mark Windecker

Après les deux courses de 1987 et de nombreuses séances d’essais, Norbert Singer est convaincu que le problème de la 2708 ne vient pas du moteur mais du chassis. Des tests comparatifs entre la 2708 et un chassis client March sont organisés, et la balance penche nettement en faveur de ce dernier. Le choix est donc fait d’aligner une March 88C-Porsche pour 1988.

Pour la piloter, Porsche fait appel à Teo Fabi, pilote italien de F1, ayant la réputation d’être très rapide, en témoignent ses trois poles en F1 sur Toleman et Benetton. Fabi a également l’avantage de connaître le championnat CART auquel il a participé en 1983 et 1984. Il a même failli remporter le titre dès sa première saison dans la discipline et s’était élancé en pole de ses premières 500 Miles d’Indianapolis.

Le choix du chassis March ne s’est pas fait sans poser de sérieuses difficultés : le moteur n’a pas été prévu pour celui-ci et les ingénieurs de Porsche ont rencontré de nombreux problèmes pour l’adapter, problèmes qui allaient entraîner un manque de performance et gêner la progression de l’équipe pendant toute la saison.

Heureusement, ce déficit de performance n’a pas empêché quelques beaux résultats, comme cette troisième place de grille à Meadowlands ou cette quatrième place à l’arrivée de la course de Nazareth.

Cette course allait malheureusement être la dernière pour Al Holbert, puisque celui-ci se tuait une semaine après dans un crash d’avion à l’âge de 42 ans.

Les débuts de Porsche à Indianapolis sont en revanche très décevants. Alors que Fabi vient d’entrer dans le top 10, il perd tout suite à une erreur aux stands, après qu’on l’ait laissé repartir alors que la roue arrière gauche n’était pas fixée.

Au moment de faire le bilan de la saison 1988, Teo Fabi occupe le dixième rang final, avec 44 points.

Juste avant sa mort, Al Holbert avait réussi (avec le chef de projet Helmut Flegl) à convaincre Derrick Walker, jusque là team manager pour le compte du Team Penske, de rejoindre Porsche pour y occuper un poste similaire. De même, l’équipe se renforçait avec l’arrivée de Tony Cicale, ancien ingénieur de Mario Andretti.

Accord fut également trouvé avec March, pour que le constructeur britannique mette en chantier un chassis spécifique, construit autour du moteur Porsche.

Il s’agit de la March 89P qui fait ses premiers tours tardivement, quinze jours avant le lancement de la saison 1989. Heureusement, Teo Fabi se montre très satisfait de sa nouvelle monture.

Les progrès seront en effet évidents en 1989.


© Mark Windecker

Dès la première manche de Phoenix, la performance est là, mais des problèmes de suspension relèguent Fabi à la sixième place. Une semaine après, l’Italien se qualifie troisième à Long Beach mais doit abandonner dès le premier tour (problème moteur).

A Indianapolis, Fabi se qualifie treizième à la moyenne de 349 km/h (Rick Mears est en pole à plus de 358 km/h !). Le clan Porsche reste optimiste, car la 89P est compétitive en configuration course (Teo signe le troisième temps du Carburation Day). Pourtant en course, il ne parvient pas à rentrer dans le top 10 et abandonne dès le 23ème tour sur rupture mécanique.

Le reste de la saison est en revanche brillant. Dès Milwaukee, Fabi signe le premier podium de Porsche en Indy/CART. Puis il se place quatrième à Detroit et signe la première pole position de l’ équipe à Portland, où il termine également quatrième.

Il améliore le meilleur résultat de l’équipe à Michigan (deuxième) et décroche la première victoire de Porsche sur le circuit de Mid Ohio.

La victoire de Fabi est superbe, due tant au pilotage de l’Italien, qu’à la stratégie mise en place par son équipe : lors du deuxième ravitaillement, celle-ci ne lui a mis qu’un demi-plein d’essence. Teo a donc pu prendre le large et effectuer à neuf tours de la fin un troisième arrêt éclair qui lui a permis de repartir avec cinq secondes d’avance sur Al Unser, Jr. Au final, Teo Fabi a mené 71 tours des 84 que comptait la course.

La saison se poursuit avec une nouvelle seconde place à Elkhart Lake, puis se conclut sur deux résultats blancs.

Au classement final, Teo Fabi est quatrième avec 141 points. Porsche a enfin convaincu le monde de la monoplace US. Les espérances sont donc grandes pour 1990.

1990 : L’ULTIME SAISON


© Mark Windecker

Après les bons résultats de 1989, la saison suivante s’annonce comme celle où Porsche doit confirmer et s’imposer parmi les favoris du championnat. Pour la première fois, l’équipe aligne deux monoplaces. La première est toujours pilotée par Teo Fabi et la seconde par le jeune John Andretti, neveu du grand Mario.

Du côté de la voiture, March sort la 90P, superbe monoplace, plus basse, plus petite et plus fine que sa devancière. Sa coque est entièrement composée de fibre de carbone, une première dans l’histoire du CART.

Cette particularité lui confère un avantage certain sur ces rivaux (gain de poids), si bien que ceux-ci s’insurgent et le CART finit par interdire la voiture. Le scenario de 1980 se répète donc de façon incroyable !

March doit donc revoir sa copie et c’est la vieille 89P qui est alignée dans les deux premières manches à Phoenix et Long Beach. La 90P fait ses débuts à Indy, et avec sa coque « classique », elle est devenue beaucoup plus lourde que les Lola et Penske. Toute la saison est compromise.

Les résultats sont donc décevants, avec un seul podium à l’actif de Teo Fabi (Meadowlands). Le pilote italien ne signe que deux autres top 10 (deux septièmes places à Portland et Laguna Seca) et finit lointain 14ème au championnat avec 33 points, son plus mauvais résultat en trois saisons.

John Andretti est beaucoup plus régulier avec sept top 10 (dont deux cinquièmes places comme meilleur résultat, à Cleveland et Vancouver). Il finit la saison au dixième rang avec 80 points.

Le bilan à la fin de l’année est donc décevant et Porsche marque le coup. Le budget prévu pour 1991 s’envole lorsque Jean-Pierre Van Rossem, l’ineffable patron de Moneytron et de l’équipe Onyx F1 retire ses billes, déçu que le nouveau moteur Porsche F1 soit finalement attribué à l’équipe Footwork.

Porsche se retire donc du CART et décide de se concentrer sur la F1 (où les résultats seront d’ailleurs catastrophiques).

Près de vingt ans après, Porsche n’a toujours pas fait son come back à Indy, et si l’on en croit les propos de Wolfgang Durheimer, responsable de Porsche Research, elle n’est pas prête de le faire.