La révolution électrique est en marche

Avril 2008 et Avril 2009, soit une année. Voilà le temps qui se sera écoulé entre la conception et le premier roulage de cet étonnant prototype baptisé Green GT. Mais revenons à la genèse de ce projet.

A la création il y avait Jean-François Weber, ingénieur chez Mécachrome. Responsable du développement d’un système proche du KERS pour la catégorie GP2 (qui n’a finalement pas vu le jour), ce créateur des temps modernes s’est dit : « Si on sait faire un KERS, on sait faire un véhicule tout électrique. » Et c’est à Christophe Schwartz, ingénieur en microtechnique et Directeur de Camtecs Technologie (Société spécialisée dans les cellules photovoltaïques et piles à combustibles) qu’il fait part de son idée. Le projet était lancé et un troisième homme, Stanislas de Sadeeler (qui a travaillé sur le dernier prototype Ferrari du Mans) les a rejoint.

C’est donc le samedi 21 novembre 2009 sur le circuit Paul Ricard du Castellet que le rideau s’est levé pour dévoiler aux journalistes unanimement intrigués, la Green GT, une voiture hors-normes.

Pour l’heure le prototype n’en est qu’au stade du développement. Pourtant il affiche des performances très respectables. Pour preuve ses deux moteurs électriques lui confèrent une puissance de 350 chevaux pour un poids d’environ 900kg. Avec pour objectif de s’aligner aux 24 Heures du Mans dès 2011 en tant qu’invité, l’objectif est de rapidement développer une évolution moteur allouant un gain de 100-130 chevaux supplémentaires. Combiné à une réduction du poids, le prototype développerait entre 450 et 480 chevaux et d’après les premières simulations la Green GT bouclerait un tour du circuit de la Sarthe entre 3’58 et 4’04. Suite à cette première participation qui ferait office d’évaluation grandeur nature, l’idée est de permettre à l’ACO d’établir un règlement permettant la participation des véhicules électriques en vue de 2012 en catégorie LMPE. D’après Christophe Schwartz, la voiture sera capable de rouler devant les GT et parmi les LMP2.



Évidemment si la performance pure est l’un des facteurs clés de succès, l’autonomie en piste ainsi que le travail dans les stands a une part toute aussi importante. En ce qui concerne les relais, les batteries peuvent tenir environ une heure sur un circuit aussi exigeant que le Mans avec ses 75% du tour à pleine charge. Du côté des ravitaillements, il a fallu là aussi repenser la conception du prototype. Lors des arrêts aux stands, l’objectif est de changer les batteries dans la même salve de temps nécessaire à un plein de carburant soit environ 45 secondes. La solution technique existe déjà et sera installée sur la prochaine évolution de la voiture.

Mais pour arriver à ce but ultime, un gros travail de développement est nécessaire. C’est pourquoi les séances d’essais se multiplient avec le pilote d’essai Christian Pescatori. Ce pilote italien est un ex-usine Audi. Il compte dans son large palmarès :

  • un titre de champion F3000 en 1996
  • un titre de champion FIA GT avec Porsche en 1997
  • deux 2èmes places au Mans avec Audi en 2001 et 2002
  • une victoire aux 12 Heures de Sebring avec Audi en 2002
  • un titre de champion FIA GT avec Ferrari en 2003
  • un titre de champion LMES catégorie GT1 en 2005

Sa très grande expérience n’a pas de prix pour Green GT qui débute dans la compétition automobile avec ce concept novateur. Interrogé sur les principales différences entre une voiture thermique et électrique, Pescatori a évidemment signalé l’absence de bruit moteur mais pas seulement. En effet alors qu’un moteur thermique produit beaucoup de décibels, il engendre également son lot de vibrations. Et ces dernières sont ressenties par le pilote dans son cockpit. Avec des moteurs électriques, les vibrations sont supprimées et seules les informations venant de la piste par l’intermédiaire des pneus et des suspensions sont transmises au pilote. Celui-ci peut alors mieux ressentir le travail du châssis et décrire de façon plus juste le comportement de sa voiture à ses mécaniciens.

Mais cette absence de bruit pose des problèmes notamment en matière de sécurité. En effet plongée au milieu des voitures à essence ou diesel, il est impossible d’entendre venir la Green GT. Imaginez le risque dans la voie des stands. C’est pourquoi l’équipe travaille sur un système qui exploiterait le son de la boîte de vitesse via un micro et un amplificateur de son. Enfin, dernier détail et non des moindres, l’économie d’énergie. Le pilote doit souvent composer avec une stratégie à la consommation. Sur la Green GT son travail sera peut-être plus aisé puisqu’en levant le pied de l’accélérateur, le moteur se transforme en générateur et recharge légèrement les batteries. Si la révolution technique est en marche, le rôle du pilote l’est aussi !

Ces séances de roulage sont également l’occasion de valider les développements internes réalisés par Green GT. Par exemple, la transmission est révolutionnaire. Basée sur un boîtier différentiel, sa conception fait état d’un dépôt de brevet destiné à protéger pas moins de cinq innovations. Autre nouveauté, l’alimentation des équipements électriques : fourni par un alternateur sur un véhicule traditionnel, l’énergie est ici générée par des panneaux solaires installés sur les pontons et le capot moteur de la voiture. Les deux circuits électriques moteur et équipements (le tableau de bord et les switchs situés dans le cockpit) sont ainsi séparés ce qui évite d’éventuels problèmes de courts circuits pouvant se répercuter sur le pilote.

Toujours d’un point de vue sécurité, la voiture est entièrement sécurisante pour l’ensemble de personnel. Avec elle, nul besoin de gants et autres précautions. En cas d'accident, la résistance des batteries est actuellement garantie pour des chocs allant jusqu’à 45 G soit un choc à 50km/h contre un rail. Pour le Mans, l’objectif est d’être capable de supporter 65G sans que la structure de la batterie ne se déforme. Même le branchement des batteries a été étudié afin d’éviter les mélanges entre les bornes positives et négatives. Chez Green GT la sécurité est un élément primordial du cahier des charges. C’est pourquoi la prochaine évolution de la voiture verra l’arrivée d’un toit. Après l’accident de Felipe Massa lors des qualifications du Grand Prix de Hongrie, l’équipe technique a voulu privilégier la sécurité du pilote en évitant les risques de chocs au niveau du casque du pilote.

Qui dit nouvelle voiture dit constructeurs de châssis. Pour le moment aucun nom n’est sorti, mais Christophe Schwartz a confirmé être en discussion avec trois fabricants ayant déjà participé au Mans. A noter qu’en plus du programme Le Mans, Green GT espère créer une série Sprint en ouverture des Séries LMS. La voiture serait basé sur le prototype ouvert actuel et permettrait d’éprouver des nouvelles solutions qui seraient ensuite installées sur le prototype LMPE.

Cette journée s’est terminée par un dernier roulage de la voiture en fin d’après-midi confirmant que le futur est bien plus proche que nous pouvions le penser. Dans quelques mois, le sport automobile abordera un nouveau visage et l’engouement crée par Green GT va sans doute bousculer l’establishment actuel. Pas de doute, la révolution est en marche et d’autres innovations verront le jour qu’elles se situent dans l’électrique ou dans le carburant vert.