Le week-end des Southern 500 au Darlington Raceway n’a pas seulement livré du spectacle sur la piste. Il a aussi vu naître un phénomène viral dont la NASCAR se serait sans doute passée. Un sketch du comédien Druski devenu la vidéo la plus vue de sa carrière. En quelques jours, ce pastiche sur les fans du sport automobile américain a enflammé les réseaux sociaux, attirant autant de rires que de controverses.
Andrew Desbordes, alias Druski, est aujourd’hui l’un des humoristes les plus suivis des USA. À 31 ans, il a bâti sa notoriété sur des sketches à la fois absurdes et provocateurs, qui tournent en dérision certaines facettes de la société américaine. Avec plus de 4 millions d’abonnés sur YouTube, il sait parfaitement comment créer le buzz. Et cette fois, c’est la NASCAR qui a servi de décor à sa dernière création.
Fin août, Druski a obtenu une accréditation pour assister aux Cook Out Southern 500 à Darlington, probablement via Monster Energy, partenaire majeur de la discipline et sponsor de Ty Gibbs au sein de la Joe Gibbs Racing. Dans la vidéo intitulée This Guy Proud to Be American, l’humoriste apparaît grimé, le visage maquillé pour évoquer — de manière caricaturale — le stéréotype du fan blanc du Sud, amateur de bière, de drapeaux et de gros moteurs. Le résultat est volontairement outrancier, dans la pure tradition de l’humour américain où l’exagération est souvent la clé de la satire.
Mais cette fois, la satire a laissé un goût amer à certains observateurs du paddock. Malgré son ton humoristique, le sketch a été perçu par plusieurs acteurs de la NASCAR comme une régression vis-à-vis de l’image que la discipline s’efforce de construire depuis plusieurs années. La NASCAR a engagé d’importantes actions pour diversifier son public, accueillir de nouveaux fans et se détacher des clichés liés au passé du sport. Druski, en reprenant ces codes pour en rire, a-t-il franchi la ligne ?
Les chiffres, eux, parlent d’un succès colossal. Selon WME Insights, la vidéo a accumulé plus de 274 millions de vues sur les plateformes X, Instagram, TikTok et YouTube. Sur X, la publication originale a recueilli 774 000 mentions “J’aime”, tandis que sur Instagram, elle a battu le record de Druski pour le plus grand nombre de vues sur les trois premiers jours : 1,966 million. Ce niveau d’exposition est tel que Druski a été mentionné plus de 530 000 fois sur les réseaux sociaux le jour même de la sortie de la vidéo, un pic inédit dans sa carrière.
Même Rolling Stone s’est intéressé à l’affaire, allant jusqu’à interviewer le maquilleur ayant participé à la transformation du comédien à Darlington. Le New York Post, qui a partagé la vidéo, a enregistré 20 millions de vues et 1,7 million d’interactions, soit l’une des trois publications les plus engageantes de son histoire sur trois jours.
Ce qui devait être un simple sketch humoristique est donc devenu un phénomène culturel. Et dans un pays où la satire et la liberté d’expression font partie du débat quotidien, le cas Druski interroge : peut-on rire de tout, même des stéréotypes que la NASCAR tente précisément de déconstruire ?
L’humoriste, lui, ne s’est pas excusé. Sur son compte X, il a simplement commenté la portée inattendue de sa vidéo, se réjouissant que “même les chaînes d’info locales en aient parlé”. Un pied de nez assumé, fidèle à son style.
Pour la NASCAR, en revanche, la situation est plus délicate. En refusant de commenter, l’organisation choisit la prudence, consciente qu’un débat ouvert pourrait amplifier la polémique. Le partenariat avec Monster Energy ajoute une autre couche de complexité : la marque, connue pour son marketing agressif et sa proximité avec la culture “extrême”, n’a pas non plus confirmé son implication dans la production du sketch, bien que son logo apparaisse à plusieurs reprises.
Ce mélange entre humour, sponsoring et identité culturelle révèle toute la complexité du sport automobile américain moderne. Entre tradition du Sud et ouverture à la diversité, entre marketing provocateur et sensibilité sociétale, chaque initiative médiatique peut désormais basculer dans le débat public. Et Druski, volontairement ou non, vient de rappeler à quel point la NASCAR reste un miroir fidèle de l’Amérique contemporaine — ses passions, ses tensions, et sa capacité à rire, parfois, de ce qui la divise.
