Denny Hamlin : la 60ème victoire du cœur à Las Vegas

Denny Hamlin a souvent connu des victoires marquantes, des moments gravés dans la mémoire collective de la NASCAR, mais celle de dimanche à Las Vegas a eu une saveur toute particulière. Sa 60ème victoire en carrière en NASCAR Cup Series n’était pas simplement une étape statistique de plus dans une trajectoire déjà impressionnante : c’était un accomplissement profondément personnel, chargé d’émotion, et peut-être le plus symbolique de tous.

À 43 ans, le pilote de la Joe Gibbs Racing a confié que cette victoire au Las Vegas Motor Speedway avait été « la plus émouvante » de sa carrière. Pour un compétiteur aussi mesuré que Hamlin, ce n’est pas un mot qu’il emploie à la légère. « Quand j’ai déplacé la barre de 50 à 60, j’ai dû y réfléchir pendant des années », a-t-il expliqué. Il faut dire que la barre des 50 victoires, atteinte en 2023, semblait déjà marquer un tournant. Cette saison, il a commencé avec 54 succès, sans savoir s’il pourrait réellement atteindre ce nouveau cap avant la fin de l’année. Mais Las Vegas en a décidé autrement : six victoires, la meilleure saison pour lui depuis 2020 et ses sept triomphes.

Ce chiffre rond, soixante, n’est pourtant qu’une partie de l’histoire. Hamlin a rappelé un souvenir d’enfance, celui d’une lettre écrite à huit ans, retrouvée par sa mère dans le garage familial : « Mon souhait est de gagner le Daytona 500. J’espère que ce rêve se réalisera le 18 février 1998. » À 18 ans, il imaginait déjà participer à la Cup Series, sans savoir comment. Et le destin s’est chargé du reste. « J’ai gagné deux fois le 18 février. Certaines choses sont faites pour arriver », confie-t-il.

Mais Las Vegas n’avait rien d’un simple accomplissement sportif. Hamlin a traversé ces derniers mois avec une pression bien différente : un procès antitrust à venir impliquant sa propre équipe, la 23XI Racing, face à la NASCAR, et un père malade qu’il espérait voir le féliciter pour cette 60e victoire. Dennis Hamlin, âgé de 75 ans, est l’homme à qui Denny doit tout : « Mon père et ma mère ont tout sacrifié pour que je puisse courir. Sans eux, JD Gibbs ne m’aurait jamais repéré. » Ces mots, prononcés la voix tremblante après la course, résonnaient comme un hommage sincère.

Sur la piste, le scénario fut digne d’un final de film. Un sprint de 14 tours jusqu’à l’arrivée, un restart depuis la sixième position, puis une remontée irrésistible pour aller chercher la tête à quatre tours du drapeau à damier en dépassant Chase Briscoe. Les quatre pneus frais ont fait la différence, mais le mental de Hamlin a fait le reste. « Ce n’était pas un coup de chance, pas un hasard, a-t-il insisté. C’était le fruit de tout ce que j’ai vécu. J’ai eu le ballon à la fin, et j’ai marqué. »

Une fois la ligne d’arrivée franchie, la tension est retombée brutalement. Devant la caméra embarquée, Hamlin n’a pas pu retenir ses larmes. Lui qui a souvent cultivé l’image du compétiteur froid et analytique s’est montré à nu, visiblement submergé. « Je suis probablement plus tendre que je ne le montre, avoue-t-il. Il m’arrive de verser une larme devant un film romantique. Mais mes enfants ne me verront jamais pleurer. »

Cette fois pourtant, tout le monde a vu. Et pour une bonne raison. Car au-delà des statistiques — 60 victoires, à égalité avec Kevin Harvick pour la 10ème place de l’histoire —, c’est la dimension humaine qui a marqué cette journée. Le pilote, l’homme, le père et le propriétaire d’équipe se sont rejoints dans un moment de vérité rare dans le monde ultra-compétitif de la Cup Series.

Denny Hamlin sait qu’il lui reste encore des objectifs à atteindre — un titre en Cup, notamment —, mais cette 60ème victoire restera, quoi qu’il arrive, celle du cœur.