Interview – Denny Hamlin : « Je ne pouvais pas imaginer un scénario plus fort que celui-là »

Après une victoire pleine d’émotion à Las Vegas, Denny Hamlin s’est longuement confié aux médias. Entre sa qualification pour le Championship 4, son 60ème succès en carrière, et la situation de son père, le pilote du Joe Gibbs Racing a livré l’une de ses interviews les plus sincères et profondes.


Denny, cette victoire te qualifie pour la finale à Phoenix. Joe Gibbs Racing a souvent eu du mal sur ce circuit dans l’ère Next Gen. Pourquoi cela serait-il différent cette fois-ci ?

Denny Hamlin : Honnêtement, je ne sais pas pourquoi ce serait différent. Je n’ai encore jamais fait partie du Championship 4 avec la Next Gen, donc difficile de prédire quoi que ce soit. Je vais juste donner le maximum… et peut-être avoir un peu de chance.


On a entendu plusieurs références à ton père ces dernières semaines. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Hamlin : Il ne va pas bien, il ne se sent pas très bien. C’est lui qui m’a emmené pour la première fois sur un circuit quand j’avais cinq ans. Il a tout sacrifié pour que je puisse courir. Il a tout vendu, il a pris des risques financiers insensés. On a failli perdre la maison plusieurs fois, mais il n’a jamais abandonné. Je suis heureux qu’il ait pu voir ses 60 ans, c’était important pour moi.


L’émotion qu’on t’a vue exprimer sur la ligne d’arrivée venait de là ?

Hamlin : Oui, complètement. Tout y était : mon père, le chiffre 60, la manière dont cette victoire s’est jouée dans les dix derniers tours. Je l’avais dit avant le week-end : cette course comptait plus que toutes les autres. Et honnêtement, je ne pense pas avoir jamais gagné une course aussi significative.


Tu semblais devoir aller chercher un autre niveau dans les derniers tours. Qu’est-ce qui a cliqué pour toi cette saison ?

Hamlin : Chaque intersaison, j’essaie de cibler une ou deux choses à améliorer. Cette année, je pense que c’est l’ensemble du package Joe Gibbs Racing et Toyota qui est au top. Les voitures sont rapides, et moi aussi je me sens à mon meilleur niveau. Même gagner la pole à Vegas, ce n’est pas dans mes habitudes. Je n’ai jamais été un pilote de “one-lap speed”. J’ai travaillé là-dessus, et ça a payé.

Chris Gayle apporte une approche différente. Gabehart aimait tout miser sur la course du dimanche, quitte à sacrifier le samedi. Gayle, lui, cherche à construire un week-end complet. Je lui rends beaucoup de crédit. Et puis je ne laisse jamais rien au hasard : avant la course, j’ai quitté la réunion des pilotes pour aller vérifier un dernier détail sur le bus. Peut-être que c’est ce qui a fait la différence.


On t’a rarement vu aussi ému. Est-ce que le moment a été à la hauteur de ce que tu espérais ?

Hamlin : Oui, sans aucun doute. Ce que vous avez vu, ça montait depuis plusieurs tours. J’ai même prié pour qu’il n’y ait pas de drapeau jaune à deux tours de la fin (sourire). J’ai emprunté une faveur sur ce coup-là.


Peux-tu nous raconter les derniers tours ?

Hamlin : Honnêtement, je ne m’en souviens pas très bien. Je devrai revoir la course. C’était comme à Daytona en 2016 : j’ai juste trouvé le moyen d’aller plus vite quand il le fallait. Passer Larson avec les mêmes pneus, je n’y croyais pas vraiment. Mais j’y suis allé. Si je devais me crasher, tant pis. Des opportunités comme celle-là ne se présentent pas souvent.


Cette victoire te permet d’égaler Kevin Harvick au nombre de succès.

Hamlin : C’est fou. Kevin, c’est un des meilleurs. Lui et Jimmie (Johnson) ont été mes adversaires les plus redoutables. Être à son niveau sur la liste des victoires, c’est irréel pour moi. J’ai un respect immense pour lui.


On t’a vu très proche de Joe Gibbs après la course. Quel rôle joue-t-il pour toi aujourd’hui ?

Hamlin : Joe, c’est comme un second père. J’ai perdu J.D., qui était mon “road dad”. Joe a pris le relais. Il me laisse être moi-même, même quand je fais ou dis des choses un peu folles (sourire). Je lui dois tout : ma carrière, mon équipe, ma stabilité. J’ai deux pères, l’un à la maison et l’autre dans le paddock. Et j’essaie de rendre fiers les deux.


Tu semblais sceptique quand Chris Gayle a été nommé ton nouveau crew chief. Ton opinion a-t-elle changé ?

Hamlin : Complètement. Au début, j’étais inquiet. Son parcours n’était pas exceptionnel, et je n’avais pas eu mon mot à dire. Mais je lui ai dit dès le début : “Tu es le leader, je te suivrai.” Je pense que ça lui a donné confiance. Il m’a poussé comme Gabehart le faisait. Aujourd’hui, je peux dire que Joe a eu raison. Chris a apporté une nouvelle dynamique, et c’est ce qu’il nous fallait.


On sait que tu vis une période compliquée hors-piste. Comment arrives-tu à gérer tout ça ?

Hamlin : Je dis souvent que je “m’épanouis dans le chaos”. Et c’est vrai. Plus les choses bougent autour de moi, plus je trouve de la force dans la compétition. Mais c’est difficile, je ne vais pas mentir. Je vais profiter de la semaine qui vient pour souffler un peu.


Quand tu regarderas cette victoire dans quelques années, qu’en retiendras-tu ?

Hamlin : Peut-être que ce sera le symbole de tout ce que j’ai construit : ma carrière, ma famille, mon équipe, et maintenant 23XI. J’espère qu’un jour je pourrai être le “Joe Gibbs” de ma propre équipe, fier de voir mes pilotes gagner à leur tour.


Et enfin, qu’aimerais-tu dire à ton père ?

Hamlin : Merci. Merci d’avoir tout sacrifié, même quand c’était déraisonnable. Ils n’avaient pas d’argent, mais ils ont trouvé un moyen. Ce n’est pas un chemin que je recommanderais à quelqu’un d’autre, mais aujourd’hui, je peux leur offrir la vie qu’ils méritaient avant tout ça. Et ça, c’est la plus belle victoire de toutes.