Martinsville a toujours été un casse-tête pour les chefs d’équipe. Ce week-end, la complexité monte encore d’un cran. Entre la longueur de la course, les températures fraîches et l’introduction d’un nouveau pneu Goodyear, chaque décision prise depuis le stand pourrait faire basculer le destin d’un pilote en une poignée de tours.
Il faut remonter à 2010 pour trouver trace d’un pilote capable de s’imposer deux fois à Martinsville la même saison. Cette année-là, Denny Hamlin avait signé un doublé historique, confirmant son statut de maître des circuits courts. Depuis, aucun n’a réussi à rééditer l’exploit, comme si la piste ovale de 0,526 mile refusait obstinément toute domination durable.
« Oui, je pense que c’est la même chose depuis que je vais là-bas », confie Rudy Fugle, chef d’équipe de la Chevrolet n°24 de William Byron. « Martinsville est imprévisible. Il faut tout recommencer à zéro à chaque fois. »
Cette édition automnale s’annonce pourtant différente. Goodyear introduit un nouveau pneu plus tendre sur le côté gauche, déjà testé au New Hampshire Motor Speedway en juillet. Ce changement pourrait bouleverser les stratégies. L’usure devrait être plus rapide, rendant la gestion des relais et des pressions encore plus cruciale. Autre nouveauté : la course repasse à sa distance traditionnelle de 500 tours, contre 400 au printemps. Les segments sont plus longs, les relais plus exigeants et les erreurs plus coûteuses.
Les conditions météo devraient également influencer le comportement des voitures. Avec des températures diurnes autour de 15 °C, la piste restera fraîche, ralentissant la montée en température des pneus. James Small, chef d’équipe de la Toyota n°19 de Chase Briscoe, reste prudent : « On ne sait pas encore comment la gomme va réagir dans ces conditions. Le composé est plus tendre, mais la construction reste la même. Nos pilotes, comme Christopher Bell qui a participé au test de Loudon, ont déjà un retour global. On s’attend à un peu plus d’usure et à davantage de décrochage, rien de dramatique, mais suffisant pour influencer les réglages. »
Samedi, les équipes ont eu droit à deux séances d’essais de 25 minutes au coucher du soleil. La piste s’est durcie au fil des tours, mais les observations restent limitées. William Byron a noté que la température plus clémente prévue pour la course pourrait modifier l’adhérence, tandis que Denny Hamlin a salué la sensation « old school » procurée par cette nouvelle configuration. « Ça m’a rappelé les courses d’il y a 15 ans, quand il fallait vraiment gérer ses pneus, » a-t-il expliqué.
La longueur de la course est un autre facteur clé. Avec 100 tours supplémentaires, la gestion des pneus et des réglages deviendra un véritable exercice d’équilibriste. Adam Stevens, chef d’équipe de la Toyota n°20 de Bell, s’attend à une course stratégique : « Ces pneus plus tendres vont forcément s’user plus vite. Si on n’a pas eu le temps de faire de longs relais pendant les essais, on va devoir apprendre en direct. À Martinsville, une mauvaise lecture de la piste peut vous faire perdre un tour en quelques minutes. »
Les ingénieurs n’ont pas oublié les mésaventures du passé. « On a déjà vu une voiture partir en pole et se faire prendre un tour dès le premier relais, simplement à cause d’une mauvaise gestion de l’usure », rappelle Stevens. « Cette fois, tout le monde s’attend à une dégradation rapide. Il faudra être patient, observer et s’adapter. »
À Martinsville, la patience est souvent la clé du succès. Entre stratégie, gestion des pneus et anticipation, les chefs d’équipe auront plus que jamais un rôle central dimanche. Dans cette arène de 500 tours, la moindre décision pourrait transformer un bon après-midi en un désastre cuisant… ou en victoire éclatante.
