
Alors que la politique commerciale de Donald J. Trump refait surface avec l’imposition de nouveaux droits de douane, le paddock de l’IndyCar commence à en mesurer les potentielles conséquences. En ligne de mire : la chaîne logistique internationale sur laquelle repose une grande partie de la Dallara DW12, le châssis unique de la série.
Avec un tarif général de 10 % sur toutes les importations, doublé de surtaxes ciblées selon les pays – 20 % pour les biens issus de l’Union européenne –, les coûts opérationnels pourraient grimper en flèche pour les équipes, en particulier les structures privées.
Derrière le badge Dallara, c’est toute une mécanique internationale qui entre en jeu. Le châssis DW12 est conçu et fabriqué en Italie, même si une partie de l’assemblage est réalisée à Speedway, dans l’Indiana. Mais les kits carrosserie, les pièces de rechange, ou encore les nouvelles monoplaces, continuent d’arriver par cargo depuis l’Europe.
C’est aussi le cas des jantes OZ (Italie) et BBS (Allemagne), soumises aux mêmes 20 % de surtaxe. Du côté des composants techniques, le générateur hybride est signé Empel (Pays-Bas), tandis que le halo en titane de l’Aeroscreen est produit par l’autrichien Pankl.
Les amortisseurs canadiens, les échappements britanniques ou encore les harnais issus de multiples fournisseurs internationaux complètent ce puzzle global. Bref, la DW12 est tout sauf made in USA, et ce constat soulève des questions alors que le développement du châssis de nouvelle génération – prévu pour 2027 – est en cours avec ces mêmes partenaires européens.
Pas d’impact immédiat, mais la menace plane
Pour l’instant, le paddock respire. La majorité des commandes critiques – monoplaces et pièces – a été passée durant l’intersaison, bien avant l’entrée en vigueur des tarifs. Mais dès le prochain cycle budgétaire, la donne pourrait changer.
« Je ne suis pas encore inquiet », confie Ed Carpenter. « Tout est encore trop flou pour juger. Nos achats majeurs sont effectués entre octobre et février. Une fois nos stocks constitués, ils couvrent généralement la saison entière, sauf cas exceptionnel. »
Une stratégie prudente qui permet de minimiser les effets immédiats, mais pas de s’affranchir des turbulences futures.
L’effet domino entre l’IndyCar et l’IMSA
Copropriétaire de Meyer Shank Racing, présent à la fois en IndyCar et en IMSA avec l’Acura ARX-06 en GTP, Mike Shank fait partie des rares patrons à devoir jongler avec deux séries dépendantes de la logistique européenne.
En IMSA, c’est ORECA (France) qui construit les Acura, Dallara (Italie) qui fournit les châssis Cadillac, et Multimatic (Canada) qui signe la coque des Porsche 963, motorisées par un V8 hybride allemand.
Autrement dit, la politique douanière américaine a un effet de ricochet sur l’ensemble des programmes majeurs, et les équipes comme MSR doivent faire preuve de créativité pour préserver leurs équilibres financiers.
« Les entreprises avec lesquelles nous travaillons sont toutes cotées en bourse », souligne Shank. « Et la situation actuelle, entre marché boursier tendu et nouvelles taxes, est tout sauf rassurante. Il va falloir s’adapter, trouver des marges de manœuvre. »
Mais la marge de manœuvre est étroite, surtout pour des équipes qui n’ont pas les reins financiers des constructeurs.
Trésorerie sous tension, dialogue sous pression
Lorsqu’on lui demande si une réserve budgétaire est prévue pour absorber de tels chocs, Shank esquisse un sourire.
« Je pense que vous nous prêtez trop de prévoyance », lâche-t-il avec un rire amer. « Très peu d’équipes ont un vrai fonds de réserve. On compte plutôt sur des lignes de crédit… si les banques suivent. »
Tout l’enjeu résidera donc dans les discussions avec les partenaires techniques. Dallara, notamment, est dans la ligne de mire : « Ils appliquent déjà une belle marge sur les pièces. Si les tarifs augmentent, ils devront en absorber une partie, sinon ce sont les équipes qui vont morfler. »
L’idée d’un élargissement de la capacité de production de l’usine Dallara à Speedway revient d’ailleurs dans les conversations. Plus de 100 DW12 ont été construites depuis 2011. Le remplacement du châssis, prévu pour 2027, nécessitera un volume équivalent. Réduire la dépendance à l’Europe pourrait donc devenir une priorité stratégique.
IndyCar sous pression : entre inflation importée et avenir incertain
« Gagner de l’argent n’est pas un crime », conclut Shank. « Mais il y a un moment où il faut faire preuve de modération. On ne peut pas tout faire peser sur les équipes. Surtout dans une série comme l’IndyCar. »
Entre flambée des coûts, dépendance aux fournisseurs européens et incertitude politique, le paddock de l’IndyCar entre dans une période d’instabilité budgétaire. Reste à savoir si le pragmatisme l’emportera sur les impératifs économiques des uns et les ambitions politiques des autres.