Denny Hamlin a repris la parole pour une seconde journée très attendue devant le juge Kenneth D. Bell, dans une salle d’audience où chaque échange semblait mettre un peu plus de pression sur les relations déjà tendues entre la NASCAR et les équipes. Les regards se sont naturellement tournés vers le co-propriétaire de la 23XI Racing, bien décidé à défendre sa vision d’un modèle économique qu’il juge déséquilibré, tout en laissant planer un certain suspense sur la portée exacte de ses arguments.
Alors que Jeanifer Parsigian terminait son interrogatoire direct, Hamlin a reconnu que la 23XI Racing avait dégagé un bénéfice supérieur à 2 millions de dollars en 2022, puis plus de 3,5 millions en 2023. Selon lui, ces montants restent loin de ce que l’équipe aurait dû atteindre sans ce qu’il considère comme les faiblesses du Charter signé avec la NASCAR lors de l’arrivée de la structure en 2021. L’ancien Rookie du début des années 2000 insiste : ce modèle n’a pas couvert les coûts, et l’équilibre financier n’a été atteint qu’avec l’appui massif des sponsors.
Hamlin affirme pousser depuis vingt ans pour faire évoluer le sport, avec un objectif simple : renforcer sa stabilité. C’est dans cet état d’esprit que la 23XI Racing a refusé de signer le Charter 2025, persuadée que l’accord proposé ne répondait pas aux besoins des équipes. Une volonté assumée de contester ce qu’il estime être un système défavorable.
Face à la défense, emmenée par l’avocat externe de la NASCAR, Lawrence E. Buterman, le ton est monté rapidement. Le pilote de la Joe Gibbs Racing a dû revenir sur sa présentation initiale à Michael Jordan lors de la création de la 23XI Racing. À l’époque, il avançait un bénéfice annuel possible de 900 000 dollars. Une projection appuyée, selon lui, sur les promesses de la NASCAR concernant les économies de 40 % attendues avec la Gen-7. Mais Buterman lui a rappelé qu’il avait admis, en déposition, avoir mené sa propre analyse avant de convaincre Jordan de se lancer dans l’aventure.
Le procureur a également cité un épisode où Hamlin, dans un podcast animé par Kenny Wallace, avait décrit la Gen-7 comme « un atout net pour le sport ». Une position difficile à concilier avec les arguments présentés par les plaignants. Hamlin s’en est justifié en expliquant qu’il devait « présenter une image positive » publiquement afin d’éviter une convocation désagréable dans le célèbre transporter de la NASCAR.
Les chiffres ressortis par Buterman ajoutent une nouvelle couche de complexité : l’investissement total de la 23XI Racing atteindrait 23,9 millions de dollars, loin des 45 millions évoqués par Hamlin. Pourtant, un expert appelé par l’équipe estime la valeur de la structure à 160,2 millions fin 2024. Ce même expert plaide pour un manque à gagner évalué à 205 millions de dollars, soit un rendement de près de 900 %, ce que Buterman n’a pas manqué de souligner.
Au fil des échanges, la salle a pu voir défiler des textos internes, dont un où Hamlin fixait un objectif raisonnable de 10 % de profit annuel. De quoi renforcer le jeu de la défense, bien décidée à souligner les contradictions du pilote.
Après la pause, Hamlin a retrouvé un terrain plus confortable. Parsigian l’a interrogé au sujet d’une lettre qu’il avait envoyée à la NASCAR en septembre 2024. Il y exposait huit conditions nécessaires pour signer le Charter 2025. Pour Hamlin, aucune n’a été prise en compte. La lecture d’un passage concernant la possible baisse de valeur des Charters a conclu son témoignage, avant un dernier échange où Buterman lui a rappelé qu’un Charter Cup valait 45 millions de dollars. Hamlin a répondu calmement : « Je sais seulement que nous avons payé 28 millions pour le dernier. »
La 23XI Racing a acheté ses trois Charters pour 4,7 millions, 13,5 millions et 28 millions de dollars. Un historique qui éclaire aussi la crainte d’une dévaluation.
Le second témoin de la journée, Scott Prime, vice-président exécutif stratégie globale de la NASCAR, a ensuite été appelé. Sous les questions de Jeffrey Kessler, avocat des plaignants, les débats se sont tournés vers les liens exclusifs entre la NASCAR et plusieurs circuits, en particulier ceux du groupe Speedway Motorsports, Inc. Kessler a également mis en avant les tensions internes au sein de la NASCAR autour de la négociation du Charter 2025. Plusieurs textos présentés soulignent que Steve Phelps et Steve O’Donnell se montraient favorables à davantage de concessions faites aux équipes.
Malgré ces divergences internes, 13 des 15 équipes titulaires d’un Charter ont signé l’accord en 2024. Seules la 23XI Racing et la Front Row Motorsports ont refusé, ouvrant la voie à cette procédure antitrust dont l’issue pourrait redessiner les relations entre la NASCAR et ses équipes pour les années à venir.
