
Pour la dixième année consécutive, le Darlington Raceway accueille le désormais traditionnel Throwback Weekend, cette célébration du passé où les équipes de la Cup Series affublent leurs voitures de livrées vintage, en hommage à l’histoire de la NASCAR.
L’événement est devenu un rendez-vous apprécié des fans, générant une avalanche de produits dérivés – casquettes, t-shirts, diecasts – vendus comme des petits pains. Mais à l’heure où ce concept souffle sa dixième bougie, certains commencent à se demander s’il n’a pas perdu un peu de sa superbe. Et ce ne sont pas que les observateurs extérieurs qui s’interrogent : plusieurs pilotes commencent à remettre en question la pertinence du Throwback tel qu’il existe aujourd’hui.
William Byron, double vainqueur du Daytona 500, n’y va pas par quatre chemins : « Honnêtement, je pense qu’on a fait le tour. Entre 40 voitures sur la grille, on a couvert la plupart des schémas mythiques. Peut-être qu’il faudrait le faire tous les deux ou trois ans, ou alors sur d’autres circuits. » Byron souligne aussi que d’autres ligues professionnelles comme la NBA ou la NFL alternent ou renouvellent régulièrement leurs initiatives rétro, évitant ainsi l’essoufflement.
Même constat chez Chase Elliott, champion 2020 de la Cup Series : « Pour moi, ça a commencé à perdre de l’intérêt il y a déjà quatre ou cinq ans. Si on continue, on va bientôt faire des throwbacks de 2018. À un moment, il faut savoir s’arrêter. On a usé le concept jusqu’à l’os. »
Sur les 38 voitures engagées pour la Goodyear 400 de ce dimanche, seules 19 arboreront une livrée véritablement rétro. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il alimente le débat dans le paddock : faut-il continuer à imposer un événement dont la majorité des équipes ne semble plus vouloir jouer le jeu ?
La réalité, c’est que la décision ne repose pas uniquement sur les épaules des écuries. Toute livrée spéciale doit être validée par le ou les sponsors du véhicule. Et comme l’explique Brad Keselowski, copropriétaire de RFK Racing, ce n’est pas toujours simple : « Ce sont des marques internationales. Elles ont des campagnes bien définies, des objectifs marketing clairs, et très peu de flexibilité. Obtenir leur aval pour une livrée old school, ce n’est pas facile. »
Les plus petites équipes, notamment en Xfinity Series, réussissent souvent mieux à participer au Throwback. Moins exposées, avec des sponsors plus souples ou davantage ancrés dans l’histoire de la NASCAR, elles peuvent se permettre des livrées plus audacieuses. Alex Bowman le souligne : « Les petites équipes sont les meilleures pour ça, elles ont plus de liberté. C’est frustrant de voir des critiques du genre “vous n’avez pas fait d’effort” alors qu’en réalité, c’est un casse-tête d’obtenir un accord avec les sponsors. La marge de manœuvre est de plus en plus réduite. »
Face à ces contraintes et à l’essoufflement évoqué par certains, la question se pose : le Throwback Weekend a-t-il encore sa place ? Pour Joey Logano, la réponse est claire : absolument. « Le Throwback Weekend, c’est notre façon d’honorer les pionniers de notre sport. Ce n’est pas une question de cool ou pas cool. C’est un devoir de mémoire. Sans ce week-end, certains noms tomberaient dans l’oubli. »
Même si certains pilotes commencent à décrocher, d’autres rappellent que ce week-end n’a jamais été conçu pour eux. Kyle Busch est catégorique : « Ce n’est pas pour nous, c’est pour les fans. Et eux, ils adorent. Le retour sur les réseaux est excellent. Voir ces anciennes voitures reprendre vie, ça plaît. »
Alors que le débat fait rage dans les garages, une chose reste incontestable : malgré la lassitude de certains, le Throwback Weekend reste un moment fort pour les passionnés. Peut-être qu’une évolution est nécessaire – espacement, rotation des circuits, nouvelles thématiques – mais en attendant, les fans continuent de répondre présent. Et tant que ce sera le cas, difficile d’imaginer Darlington sans son habit de nostalgie.