
Le temps s’était figé pour Simon Pagenaud. Depuis son terrible accident à Mid-Ohio en juillet 2023, les jours s’enchaînaient sans certitude, rythmés par les symptômes d’une commotion cérébrale persistante : vertiges, troubles de la concentration, fatigue extrême. Habitué à la haute vitesse et au contrôle millimétré, il se retrouvait soudain incapable de supporter la moindre vibration en karting.
« Je voulais rouler, mais mon corps disait non. Mon cerveau n’était plus en phase avec mon envie de piloter », confie-t-il aujourd’hui.
L’ancien champion IndyCar et vainqueur de l’Indy 500 voyait son avenir s’assombrir. Plus d’appel d’équipe. Plus de plan clair. Juste l’inconfort d’un quotidien incertain, pour un pilote dont la carrière s’était construite sur la précision et la rigueur.
C’est dans ce contexte que le destin frappe à la porte, ou plutôt au téléphone. Rob Buckner, directeur du programme IndyCar de Chevrolet, entre en contact avec lui. L’idée : intégrer Pagenaud comme pilote de développement en simulateur dans le centre technique de GM à Charlotte.
Simon Pagenaud a enfilé sa combinaison et son casque comme tant d’autres fois dans sa carrière. Pourtant, ce jour-là avait une saveur bien différente. Le champion IndyCar 2016 et vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis 2019 s’apprêtait à rouler pour la première fois depuis son effroyable crash survenu en juillet 2023, dans le virage 4 de Mid-Ohio, lors des essais libres.
La machine ? Un simple kart. Le défi ? Colossal. Le moindre choc, la moindre vibration s’apparentait à un électrochoc pour son cerveau encore meurtri par les multiples impacts encaissés dans l’habitacle de la Honda n°60 du Meyer Shank Racing. Malgré le HANS et les mousses latérales, les secousses à 175 mph avaient laissé des séquelles profondes. Commotion sévère, migraines violentes, nausées… Autant de signaux que son corps n’était pas encore prêt.
Chaque tour en kart devenait un rappel brutal : son métier, sa passion, sa vie, étaient hors d’atteinte. Jusqu’à ce que le téléphone sonne.
Un appel venu de Chevrolet
Rob Buckner, alors directeur du programme IndyCar de Chevrolet, prend contact avec le Français installé en Caroline du Nord. L’idée ? Ramener Pagenaud au sein de la famille Chevy, non pas en piste, mais dans un rôle de pilote de développement en simulateur au Charlotte Technical Center.
Pagenaud, qui avait brillé sous les couleurs Chevrolet chez Penske (avec à la clé le titre et l’Indy 500), est immédiatement séduit. L’opportunité, suggérée par l’ingénieur simulation Ryan Baldi, semble anodine de prime abord. Pourtant, elle marque un tournant.
« C’était exactement ce dont j’avais besoin. Mon téléphone ne sonnait plus. Et un jour, c’était Rob. Il m’a soutenu avant même qu’on parle de simulateur. On a toujours eu une relation spéciale. »
Le simulateur : un outil de rééducation
Chez GM, les simulateurs DIL (Driver-In-the-Loop) en boucle fermée sont de véritables concentrés de technologie. Reproductions réalistes des circuits, simulateurs dynamiques à mouvements complets, retour de force surdimensionné… De quoi tester les limites des réglages et du pilote.
Pour Pagenaud, cela devient une thérapie inespérée. Moins brutal qu’un kart, mais suffisamment immersif pour stimuler ses capacités cognitives. Une rééducation active, calibrée, sécurisée.
« C’est probablement la thérapie la plus efficace que j’aie jamais suivie », explique-t-il. « Coordination œil-main, perception des mouvements, fatigue mentale… tout est mobilisé sans le risque physique. »
Au fil des sessions, l’ancien pilote Penske regagne en confiance et en lucidité. Son retour technique est précieux pour les ingénieurs Chevrolet, d’autant plus qu’il peut tester les configurations de différentes équipes. Un luxe dans un paddock où chaque détail compte.
Employé du mois
« Il est là tout le temps, même plus que moi », plaisante Buckner. « Il bosse avec 8 à 10 ingénieurs pendant 12 heures, et il sort un rapport de plusieurs pages. C’est notre employé du mois. »
Simon Pagenaud, loin des projecteurs, continue donc à faire briller son talent au service de la performance. Sa rigueur, son implication, et son envie de contribuer en font une pièce maîtresse du développement 2025 de Chevrolet en IndyCar.
Mais surtout, ce rôle lui a permis de retrouver l’essence de ce qui fait de lui un pilote : le combat, la précision, et l’amour de la course.
