Un aveu glissé au milieu du procès antitrust
Au milieu des audiences fleuves du procès intenté par 23XI Racing et la Front Row Motorsports contre la NASCAR, une phrase de Jonathan Marshall, directeur exécutif de la Race Team Alliance, a retenu l’attention des observateurs les plus attentifs.
Interrogé par un avocat de NASCAR Holdings sur la différence entre les ligues franchisées traditionnelles et la NASCAR, Marshall a rappelé que les équipes ne possèdent pas la ligue ni les circuits. Il a surtout ajouté que, si la NASCAR proposait un jour de vendre des parts de son capital, certaines équipes seraient intéressées pour enchérir, sur la ligue ou sur l’une de ses séries nationales.
Dans un procès où il est question de partage des revenus, de charters et de position dominante, cette idée d’un actionnariat ouvert aux teams tranche avec l’architecture historique du stock-car américain.
Une ligue valorisée 5 milliards mais une famille peu encline à céder
Au cours de la même semaine d’audience, l’avocat des équipes a rappelé qu’une étude de Goldman Sachs, réalisée en 2023, valorisait NASCAR Holdings à environ 5 milliards de dollars. Cette estimation la place au niveau des grandes propriétés sportives nord-américaines.
La France family avait déjà exploré la piste d’une vente avec Goldman Sachs en 2018, sans qu’une cession ne se concrétise. Selon les informations de Sports Business Journal, la position actuelle serait de ne pas vendre : malgré le procès en cours et un modèle économique contesté par les teams, la famille propriétaire ne chercherait pas activement d’acheteur.
Résultat : d’un point de vue financier, une vente partielle ou totale paraît possible ; d’un point de vue politique, la fenêtre semble fermée.
Que pourraient vraiment acheter les équipes ?
Même si la NASCAR ouvrait la porte, plusieurs formats restent possibles.
- Une prise de participation minoritaire des équipes dans NASCAR Holdings, en complément de la France family.
- L’achat d’un actif spécifique, comme une série nationale (Cup, O’Reilly Auto Parts Series ou Craftsman Truck Series).
- Un package plus large, avec une partie des circuits et des propriétés annexes comme l’IMSA.
La question des moyens financiers se pose immédiatement. Quinze organisations se partagent aujourd’hui les 36 charters en Cup. Pour réunir plusieurs milliards, il faudrait un consortium d’équipes, probablement accompagné de partenaires financiers extérieurs, avec un montage complexe de gouvernance.
Passer d’une ligue contrôlée par une famille à un modèle partagé avec les équipes rapprocherait la NASCAR des ligues franchisées, mais ouvrirait de nouveaux fronts : poids des grosses structures, protection des petites équipes, répartition du pouvoir entre actionnaires.
Liberty Media, TKO et la peur d’une ligue concurrente
En parallèle des intérêts potentiels des équipes, les spéculations portent aussi sur des acteurs extérieurs. Liberty Media, propriétaire de la Formule 1, et TKO Group Holdings, qui gère l’UFC et la WWE, sont régulièrement cités comme des candidats théoriques en cas de vente. Leur savoir-faire en matière de divertissement sportif et de droits médias collerait parfaitement au produit NASCAR.
Les documents produits dans la procédure montrent également que la naissance de LIV Golf et la croissance de la Superstar Racing Experience ont inquiété certains dirigeants de NASCAR Holdings, au point de nourrir des discussions sur la nécessité d’empêcher la création d’un championnat concurrent porté par des équipes et des circuits. C’est précisément ce type de comportements que 23XI et Front Row attaquent dans le cadre de leur action antitrust.
Une option encore théorique, mais un signal politique fort
À ce stade, la NASCAR n’est pas officiellement à vendre et la France family conserve la maîtrise du dossier. Mais le fait que le patron de la RTA admette que des équipes seraient prêtes à investir dans la ligue installe une idée nouvelle : celle d’un avenir où les teams ne seraient plus seulement titulaires de charters, mais copropriétaires du championnat qui structure tout leur modèle économique.
Pour la base de fans, rien ne change à court terme. Pour les directions d’équipes et les investisseurs, en revanche, c’est un signal : la discussion ne porte plus seulement sur le pourcentage des droits TV, mais aussi sur qui doit posséder la NASCAR et décider de son avenir.
